Art, Souffrances & Migrations

Performances artistiques coordonnées par Guy Lenoir, directeur artistique de MIGRATIONS CULTURELLES aquitaine afriques et proposées dans le cadre du Colloque « Arts & Soins » organisé par l’association L’AUTRE et MANA
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Vendredi 15 octobre 2010, MC2a proposait au Molière Scène d’Aquitaine une série de performances autour du thème « Art, Souffrances & Migrations »
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Depuis l’origine des relations entre l’Europe et l’Afrique, de la Traite aux indépendances en passant par les heures sombres de la colonisation, “l’africain” subit traumatismes, sévices, tortures du corps et de l’esprit.
Les artistes réunis sur scène ont pour démarche commune de prendre en compte les souffrances subies sur le continent et d’interpeller le monde.
Puisant dans les formes traditionnelles mettant en jeu le corps et la parole dans le soulagement et la guérison de maux individuels ou collectifs, les actes artistiques de Perrine Fifadji, Limengo Benano Melly, Boubacar Boris Diop, Vincent Harisdo, Koulsy Lamko, Jean-Luc Raharimanana, Bruce Clarke et Pierrot Men illustreront ce propos.

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Performances réalisées par Perrine Fifadji, Limengo Benano Melly, Koulsy Lamko, Jean-Luc Raharimanana, Vincent Harisdo
D’après les oeuvres et témoignages de Bruce Clarke, Boubacar Boris Diop, Koulsy Lamko, Pierrot Men, Félix Robson, Vincent Harisdo

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Colloque « Arts et soins » du 14 et 15 octobre 2010

La place des artistes

par Claire Mestre,
Médecin et anthropologue, Association Mana, assocationmana.e-monsite.com.

Le pari de ce colloque, le 11ème de la revue L’autre[1], organisé par Mana avec MC2a et Script, était de faire se rencontrer des artistes et des soignants. Des artistes : peintres, danseurs, écrivains, ont pu intervenir dans les séances pleinières, des ateliers (en parlant ou en dansant !) et aussi dans le spectacle de Guy Lenoir « Migrations, souffrances et mémoires ».

Les spectateurs en ont eu le souffle coupé… admiratifs de tant de beauté et d’émotions. Cet effet persiste encore dans mon souvenir comme une onde puissante et persistante. Mais, toutefois, je poserai la question, en quoi ce spectacle avait-il sa place dans nos rencontres, en quoi a-t-il sonné juste ?

Tous les artistes, présents ou absents avaient un message : en tant qu’artistes, ils avaient à travers la collaboration avec Guy, une idée de leur place dans la cité, comment leur œuvre portait un message dans le brouhaha du monde sur des événements aussi terribles que le génocide du Rwanda, les massacres de 1947 à Madagascar, ou tout simplement sur la douleur d’être.

Certains des spectateurs n’ont pu regarder le spectacle. En particuliers, ceux qui ont vécu en tant que soignants ou témoins des événements de guerre ou de désastre. D’ailleurs les premières paroles nues, avec les beaux portraits de Bruce Clarke étaient hallucinants de terreur et d’absurdité. Mais à travers la mise en scène, c’est comme si on donnait justement un visage à ceux dont on avait perçu le malheur, « juste » à travers un article ou un reportage, malheur écrasant par le nombre de décès, d’amputés, d’écrasés… Les portraits de Bruce Clarke donnaient une incarnation aux voix des survivants et des morts. Les textes de Koulsy Lamko[2], le jeu magnifique et bouleversant de Limengo Benano Melly[3] et la voix puissante de Perrine Fifadji achevaient parfaitement cette incarnation. Des mots pouvaient nommer l’abominable, s’enchaîner même douloureusement dans un récit, habiter un corps vivant.

J’ai trouvé magnifique l’alliance du portrait de Félix Robson à ceux de Bruce Clarke : ceux de BC sont des anonymes qui font l’histoire et celui de Félix Robson[4] sortait de l’anonymat pour rentrer dans l’histoire. Jean-Luc Raharimanana, debout, yeux fermés et pieds nus, fragile et paradoxalement puissant par les mots ; il introduisit le récit très maîtrisé de Félix R. France location . dans une autre dimension que le simple témoignage de l’insurrection de 1947 dans l’ouest de Madagascar. Nous sommes devenus les témoins du témoin, introduisant ainsi ce récit dans une chaîne humaine, l’arrachant à l’anonymat pour l’introduire dans une histoire, une histoire commune.

Enfin, la danse de Vincent Harisdo clôturait ce spectacle : grimé de blanc, le corps massif et souple, sexuellement ambigu, traversé par toutes les expressions de la terreur, de la séduction, de l’étonnement… il propulse le spectateur dans un univers mystérieux et mouvant, il métamorphose jusqu’à nos sensations.

Métamorphose, transformation, voici sans doute les termes qui permettent de comprendre comment le spectacle a agi sur nous : les traumatismes de la guerre, de la mort et de la torture pouvaient engendrer des images, des récits, des épopées porteurs d’émotions et de beauté, et sans perdre leur gravité, s’inscrire dans nos mémoires. Grâce au travail artistique. En tant que psychothérapeute, c’est le travail que je m’assigne auprès des survivants de guerre ou de tortures : réintroduire des mots qui ont du sens ; encourager sans les précipiter des récits, pas seulement du traumatisme, mais d’avant, pour retrouver des sensations vivantes écrasées par le malheur ; et bien sûr abandonner les morts…

Un grand merci aux artistes et à Guy Lenoir pour cet inoubliable spectacle.


[1] L’autre, cliniques, cultures et sociétés, publié par les éditions La pensée sauvage, www.revuelautre.com

[2] La phalène des collines publié aux éditions du Serpent à plume.

[3] Clamant des morceaux du texte de Murambi, le livre des ossements de Boris Boubacar Diop chez Stock.

[4] Photographie de Pierrot Men

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MANA Vincent 2 red


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